Direction les coulisses de la création du Centre Lyrique Clermont-Auvergne co-produit par Opéra Nomade : Madame Butterfly un opéra de Giacomo Puccini sur un livret de Luigi Illica et de Giuseppe Giacosa, il est selon Operabase le 6e opéra le plus joué au monde. Cet opéra italien en deux ou trois actes de Giacomo Puccini, représenté pour la première fois le 17 février 1904 à la Scala de Milan, est une tragédie japonaise.

Petite parenthèse…
L’année dernière déjà, j’ai eu la chance de suivre les coulisses de l’Opéra de Mozart « L’enlèvement au Sérail », une co-production du Centre Lyrique de Clermont-Ferrand mis en scène par Emmanuelle Cordoliani. Dans cet article je vous parlais des a priori que nous pouvons avoir autour de l’Opéra.
Si vous pensez l’une de ces phrases : « l’Opéra, je n’y suis jamais allé.e mais ce n’est pas pour moi », « c’est vraiment trop long », « c’est à l’ancienne », ou encore « c’est une histoire impossible à comprendre » je vous invite à lire mon article juste ici.

L’Histoire de Madame Butterfly
Un jeune officier américain en escale, Benjamin Franklin Pinkerton, loue une maison traditionnelle et épouse à cette occasion une geisha de quinze ans, Cio-Cio-San Madame Butterfly. Simple divertissement exotique pour lui, le mariage est pris très au sérieux par la jeune Japonaise. Après une cérémonie, gâchée par l’oncle bonze, se noue une brève idylle.
« Les sources sont variées, plus ou moins fiables, mais l’histoire est authentique : elle s’appelait Tsuru Yamamuri, cette jeune geisha qui donna naissance à l’enfant d’un officier de marine américain, et que les habitants de Nagasaki surnommaient O-cio-san – c’est-à-dire Madame Papillon. » – dossier de presse
Trois ans ont passé, espérant toujours le retour de Pinkerton dont elle n’a plus de nouvelles, Cio-Cio-San lui reste néanmoins fidèle et refuse des propositions de mariage. Pinkerton revient enfin au Japon avec sa nouvelle épouse américaine et apprend qu’il a eu un fils en son absence. Quand Cio-Cio-San comprend enfin la situation, elle leur abandonne son enfant et se donne la mort par jigai, c’est-à-dire en se poignardant.

Les métiers de l’ombre

Mise en scène
Pierre Thirion-Vallet est le metteur en scène de cet opéra, c’est aussi le directeur général et artistique du Centre Lyrique Clermont-Auvergne.
Le premier questionnement que j’ai eu concerne évidemment le choix de l’oeuvre. L’oeuvre est choisi par Pierre Thirion-Vallet et Amaury du Closel, à la direction musicale, ils travaillent depuis 10 ans ensemble et cherchent à chaque fois un territoire différent à explorer. Ils travaillent les grands chefs-d’œuvre comme Don Giovanni, La Traviata, Rigoletto, ou encore l’année dernière la Flûte Enchantée. Point important, le choix se fait aussi en fonction des programmateurs qui eux achètent le spectacle. La création ayant un coût il faut évidement vendre le spectacle aux lieux de diffusion pour rentabiliser.
Pierre Thirion-Vallet n’avait jamais mis en scène Butterfly et Amaury du Closel l’ayant dirigé il y a longtemps, c’est donc naturellement et aussi par goût qu’ils se sont tournés vers Madame Butterfly qui est l’un des opéras les plus célèbres de Puccini et qui est d’ailleurs la figure féminine préférée du compositeur (elle est présente sur scène la majorité du temps – 2h15 sur les 2h30 de spectacle).
Mon deuxième questionnement tourne autour du rôle du metteur en scène. Lors de la création d’un opéra, il faut savoir que l’une des contraintes majeures est que les partitions sont intouchables. Aucun modification de la musicalité ni aucune parole. C’est pourquoi il faut bien connaitre les 2 niveaux d’écriture, le premier niveau, c’est l’oeuvre originale celle que Puccini a composé et le second niveau, l’adaptation du metteur en scène, le message qu’il veut transmettre, les émotions qu’il souhaite mettre en avant. A partir de ses idées, il coordonne tous les métiers autour de la création de l’opéra.
« Au théâtre ou à l’opéra ce sont les contraintes qui font que l’on a des idées. »
Pierre Thirion-Vallet
Petit secret entre nous…
Pierre Thirion-Vallet a pris le partie de ne pas avoir d’enfant sur scène et donc de considérer que Madame Butterfly s’est inventée une maternité, un enfant irréel, elle sera la seule à considérer que c’est son enfant (Suzuki et le public seront les seuls au courant de la réalité), sans doute pour faire revenir Pinkerton lorsqu’il apprendra qu’il a un enfant.
Noriko Urata qui interprète Madame Butterfly doit donc de donner des signes de folie. Une interprétation difficile, tout en justesse que j’ai hâte de découvrir.

Décor
Imaginé par Frank Aracil et réalisé par Alain Picheret de l’Atelier Artifice. Après une dizaine de propositions autour d’un seul acte, Pierre Thirion-Vallet en sélectionne 3 pour approfondir les déclinaisons des 3 actes et finalise son choix.
Lors de l’étape de réflexion, Frank doit intégrer les contraintes techniques et financières, l’ensemble du décor doit tenir dans un camion de 20m3 et doit pouvoir être monté et démonté facilement et rapidement par 2 personnes durant la tournée. Il n’y a pas un décor différent pour chacun des 3 actes. L’idée de garder le même décor et de le modifier au fur et à mesure des actes ce qui permet de garder une continuité et de suivre une évolution.
Un décor qui se veut épuré, tout en hauteur, avec la création de 3 panneaux qui laisse passer la lumière. La disposition des panneaux permet de jouer avec notre perception de l’intérieur d’une maison et l’extérieur. Ce décor se modifie et évolue au cours des 3 actes.

« Un décor qui évoquera un Japon tout en symboles
et suivra les bouleversements psychologiques de Cio-Cio-San »
Pierre Thirion-Vallet
Le décor a été entièrement construit par un seul homme, Alain Picheret de l’Atelier Artifice dans son hangar d’artiste à Montferrand. Cet homme connait tous les corps de métiers, menuiserie, soudure, peinture, il fait tout lui-même. Ingénieux et précautionneux, rare son ceux qui ont une telle
une maîtrise et une technicité comme lui. Il nous a par exemple montré des morceaux d’affiches de cinéma qu’il reproduisait et peignait sur des panneaux qui une fois assemblés, formait une affiche de plus de 7 mètres de haut.

Frank Aracil et Alain Picheret travaillent ensemble depuis bientôt 20 ans, Frank a une totale confiance en Alain et lui laisse une marge de liberté lors de la création. Le décor final a d’ailleurs évolué depuis les croquis de départ.
Quelques chiffres du décor de Madame Butterfly :
3 000 vis, 25 000 agrafes, 30 litres de peintures et 48 poteaux entièrement créés dans son atelier.



Costumes

Les sublimes kimonos ont été pensés par Véronique Henriot qui les as ensuite confectionné avec son équipe composé de 4 personnes.
L’inspiration lui est venue de cette estampe « Coqs » de Iho Jackuchu (1716-1800), né à Kyoto, il était grossiste en légumes, il décide à 40 ans de se consacrer à sa passion.
Des motifs de type animal noir et blanc avec des touches de rouge. Les tissus sont choisis à Paris par Véronique Henriot accompagnée par Pierre Thirion-Vallet, le metteur en scène.
La confection est faite à Clermont-Ferrand, un aller-retour à Paris a été fait pour les premiers essayages, et les dernières semaines sont consacrés aux retouches.
Véronique Henriot est aussi en charge des accessoires, une de ses costumières a dû par exemple repeindre toutes les ombrelles pour faire ressortir les couleurs.



Maquillage/coiffure
Les maquillages et les coiffures (des perruques) ont été créés par
Marie-Christine Beaubrun toujours en lien avec Véronique Henriot, créatrice des costumes et avec chacun des artistes puisque ils doivent se sentir à l’aise sur scène et doivent aussi être capable de les refaire eux-même pendant la tournée.


En résumé…
Je ne suis pas une experte de l’opéra ni de la musique classique (je n’ai jamais appris à jouer d’un instrument) donc je ne parle pas de technique ou musicalité, je me concentre uniquement sur mon ressenti et les émotions. Passer du temps dans les coulisses, admirer les croquis, rencontrer toutes les personnes qui permettent la création de l’opéra, comprendre tous les mécanismes créatifs, écouter les artistes s’échauffer pendant les répétitions, tout ceci me permet de prendre conscience de tout le travail que nécessite cette réalisation et par la même occasion de mieux comprendre l’oeuvre.
Je suis aujourd’hui impatiente de découvrir le résultat final qui promet d’être riche en émotion.
Madame Butterfly
Opéra-Théâtre de Clermont-Ferrand
Jeudi 17 janvier 2019, 20h
Samedi 19 janvier 2019, 20h
Dimanche 20 janvier 2019, 15h
Tournée en France
Saint-Quentin en Yvelines – 22 janvier 2019
Abbeville – 24 janvier 2019
Neuilly-sur-Seine – 26 et 27 janvier 2019
Montrouge – 29 janvier 2019
Poissy – 31 janvier 2019
Romans-sur-Isère – 3 février 2019